Le temps des affaires (seconde partie)
Rappel : Flav part avec sa mère à la découverte de l’héritage de son père. Il ne sait plus vraiment ou il en est avec Francis…
Ma mère avait tenu à prendre la vieille Mercedes familiale pour notre périple. Je n’avais qu’une seule crainte, que je sois reconnu durant le voyage, mes arguments ne l’ont pas fait plier d’un iota, c’est dans cette voiture que nous roulerons ainsi en avait décidé Alyne. Un chauffeur, nous deux à l’arrière suivie par une berline récente de la même marque que l’ancêtre qui nous véhiculait, dans laquelle au pire, je pourrais me réfugier parmi les bagages fut sa solution. Excepté quelques banalités de la Flandres à la Bavière, nous ne nous sommes guère parlé, le voyage promettait d’être ennuyeux ! J’avais juste oublié que les gens du monde, ne parlent pas si la domesticité peut entendre. Arrivé à notre hôtel, je constatai que ma mère y avait ses habitudes, on la recevait selon tous les égards dignes de son rang, maintes et maintes courbettes ou fausses sollicitudes, c’est au choix, qui la comblent et la combleront toujours de bonheur, qui empêcheraient par contre toute personne censée de vivre pleinement. Elle voulu bien entendu se rafraîchir, se changer avant de prendre une collation, qu’elle ne savait pas encore si elle allait la prendre dans le petit salon, ou dans sa suite, pour la satisfaire, en plus de me rafraîchir, je me changeai. Nous nous retrouvâmes dans sa suite, car nous avions à parler. Un billet écrit de sa main, me fut apporté, alors que nous occupions les deux seules chambres du même étage. Je pourrais encore me confondre en détail pour que le lecteur cerne celle qui me mit au monde, mais je pense que c’est bien assez, je peaufinerais son portrait en disant que ses yeux semblent toujours lire dans vos pensées et que la plupart des personnes redoutent chacune de ses paroles. Enfant, j’entendais souvent la nounou dire à ma grand-mère, comment une femme aussi belle, peut-elle être aussi méchante ? Les gravures de mode ont souvent leur caractère répondait-elle ! Je présume de mon côté que grâce à sa beauté, on lui a toujours tout passé. Lors de notre entrevue, elle me donna l’horaire de notre plan d’assaut de l’Allemagne, m’octroyant ici et là quelques plages de détente « libre ». Lorsqu’elle me montra le manoir dans lequel, elle avait rencontré mon père, je fus étonné de voir que cette femme n’était pas dénuée de sentiments, transformé en Hôtel de Ville, la propriété n’était bien entendu plus se qu’elle était, mais je l’imaginais bien dans ce décor, joué la scène de sa vie. J’ai cru voir par moment ses yeux se couvrir d’une fine bruine, mais ce fut à chaque fois éphémère, et rien ne me permet de confirmer ce sentiment, reine du maquillage qui ne se voit pas, son visage tout le long de notre visite est demeuré intacte.
-Je ne comprends pas Gaby, vendre sa maison de famille pour un chalet en Suisse.
-C’est peut-être tout simplement pour des raisons économiques ?
-Permets moi d’en douter, connaissant bien Gaby, la raison serait plutôt un moniteur de ski…
-Cesse de me regarder avec cet air là, je ne suis pas faite de bois.
-Mais enfin…
-J’en ai assez de cet endroit, partons. Le cabinet de ton père doit nous attendre, je les ai avertis de notre arrivée pour après demain, ils doivent se douter que nous arriverons la veille mais pas l’avant-veille. La surprise joue toujours en notre faveur, retient cela, en affaire comme dans la vie. J’ai dans ma mallette, fait faire à ton intention, un dossier avec tous les ponces qui entouraient ton père dans ses affaires. Photo + curriculum, ainsi que quelques notes personnelles. Il faut que tu saches qui tu auras face à toi.
-Vous auriez pu me les donner la veille, si vous les aviez déjà avec vous !
-Comment ? Je pensais que tu apprenais tes scénarios avec une rapidité telle que ça faisait de toi la coqueluche des ricains !
-Il ne faut pas croire tout ce que l’on écrit dans le Paris-Match mère.
-Je ne crois pas avoir lu cela dans ce canard-là mais un autre du même acabit. Moi qui pensais que tu tenais cela de moi.
-Je retiens vite en effet, vous me la donnez cette liste ?
Dans ce dossier, les directeurs dont je devais me méfier, ceux dont mon père par le biais de tractations en bourse avait dépossédé de leurs propres entreprises mais laisser dans des postes de directeur. Ceux qui ne valaient rien et donc remplaçables, et enfin les différents bras droits de mon père, les alliés fidèles. Bien que la plupart soit tous des pères de famille, en les détaillant, je me disais que je n’allais pas m’ennuyer en Allemagne, et que de travailler avec tous ses gars là, ça ne me dérangerait pas, tous dans les plus de trente ans voir au-delà de quarante et pour qui les costards sur mesure Armani semblait avoir été créé pour eux.
-Maman, je me demandais, sont-ils tous bilingues anglais allemand ?
-Pour la plupart, certains parlent même le français, mais ne t’attends pas à du néerlandais.
-Le néerlandais excepté avec vos employés, je ne l’entends guère.
-Si j’étais amené à reprendre le flambeau sans doute devrais-je me mettre à l’allemand. Mais ne vous réjouissez pas, c’est surtout une hypothèse.
-Il est plus facile d’apprendre l’allemand que le français pour un flamand.
-Si vous le dites, mais je me vois mal devenir quadrilingue.
-Je le suis bien moi.
-Je sais.
-Il faudra surtout te méfier de ce Hans Gertreed, il veut récupérer à tout prix sa société. Ton père, comptait lui mettre des réviseurs sur le dos, un doute de fraude dans les ventes internationales. Et son flair avait souvent du bon.
-Je note.
-Je ne te vois pas écrire.
-Ne vous inquiétez pas, je tiens bien quelques choses de vous. J’ai une excellente mémoire.
-A Frankfort, je te présenterai nos alliés fidèles, ceux sur qui tu peux compter. Si nous n’étions pas en deuil, j’organiserais un petit repas avec des jeunes gens de ton âge, j’ai peur que tu t’ennuies un peu.
-Vu le travail qui nous attend, pensez-vous que nous en aurions le temps.
-Je disais ça pour toi surtout.
-Nous en reparlerons le moment venu. Je ne suis pas énormément venu chez mon père, je ne me souviens plus tellement de sa maison.
-Nous y avons habité pourtant jusqu’à tes six ans.
-C’est fort vague.
-C’est une belle maison, située au sommet de la colline, quand le temps n’est pas couvert, on peut voir Frankfort au loin d’un versant et de l’autre Wiesbaden. Il faudra que tu jettes un œil dans ta chambre d’enfant rien n’a jamais été fait dedans depuis que tu l’as quittée.
-Et pourquoi êtes-vous retournée chez votre mère au bout de ses six années, ton père avait été muté en Belgique, quoi de plus naturel dés lors que d’être retournée chez nous.
-Vous n’aimiez pas cette maison ?
-Oh si beaucoup, autant que la demeure de Flandres. J’y ai beaucoup de doux souvenirs… Elle a été préservée durant la seconde guerre mondiale car elle était sans doute trop éloignée des villes névralgiques, bien qu’ayant une position centrale. Et puis tes grands-parents ont toujours pris les bonnes directions, bien qu’ils aient parait-il du vendre leurs plus beaux atours jusque dans les années cinquante, ils ont tenu bon. Ton grand-père s’acharnait à rechercher les objets pillés lors de la débâcle de son pays, si bien qu’une partie des cadres et buffets ont retrouvé leurs murs, sauf quand ils ont complètement disparu de la circulation. Ce que j’aime bien dans cette maison, c’est justement qu’ils ont du racheter du neuf, ton père et moi-même avons acheté quelques bricoles ici et là dans la maison. Elle est moins figée que la maison Biamonds. Mais bon tu verras bien par toi-même.
En effet, je pus vite voir par moi-même, le manoir de taille modeste était en effet particulier dans ce sens que tous les styles s’y confondent et créent une certaine harmonie de confort. Pas de fauteuils Henri II inconfortables mais bien des divans et sofas de cuir marron dans les salons, dans lesquels à ravir on a envie de se vautrer. Un agencement sobre et moderne dans de vieux murs avec ici et là quelques antiquités qui se font toutes discrètes à côté des flamboyants tableaux impressionnistes en tout genre. A notre arrivée un gros labrador nous accueillit comme s'il nous connaissait depuis toujours. Le chien de ton père me dit ma mère avec cette fois les larmes aux yeux. N’étant pas habitué aux effusions familiales, bien que j’en aie l’envie sur le moment, je faillis l’étreindre, mais par retenue je n’en fis rien, ce que je pense elle apprécia. Elle me présenta bien vite les trois personnes de maison, je fis avec elle un petit tour du propriétaire, et je fus surpris de voir toutes ses photos de moi, jusqu’à des posters de film dans lesquels j’avais joué, encadré et accroché aux murs, notamment dans son bureau. Il me suivait donc de loin, moi qui le pensais occupé à courir les maîtresses, vraiment je m’en voulais de m’être éloigné d’eux, mais on ne peut pas vivre de regret. La gouvernante de la maison, me dit combien mon père était fier de moi, pour que vraiment il soit fier de moi, je décidais de ne pas le décevoir, et de faire avec ma mère de mon mieux pour maintenir à flot son univers de chaussures, que je dusse même pour se faire puiser dans ma propre fortune. D’emblée je décidais de m’informer à ma manière sur les usines de mon paternel, en surfant sur le web, la pièce qui s’imposa à moi comme une évidence fut le bureau de mon père, parmi mes affiches de film, j’allumai son portable, je visitai virtuellement tout ce qui m’était possible de voir, je regardai aussi les différents catalogues en ligne, dans ceux-ci, je mémorisai quelques modèles que je trouvais porteur, juste au cas ou. J’allai ensuite consulter mes mails, je donna quelques nouvelles à Olga qui se languissait de moi, et qui me rappela quelques dates auxquelles je ne pouvais me défiler pour la fondation que nous cogérons. Ensuite seulement j’ouvris les mails de Francis, aucun mail n’était affectueux, ils ne transpiraient aucun sentiment, excepté le business. Si j’avais besoin d’une info, d’un conseil, etcetera il voulait s’assurer que j’irai frapper à sa porte. Voilà tout ce que j’en retins et bien entendu je me gardai bien de répondre ou de donner suite à ses propos. Le lendemain après une bonne nuit de sommeil, ma mère me présenta aux alliés de notre cause. De longues réunions qui se déroulèrent en anglais, je compris que ma mère avait les reines en mains, que la situation n’était nullement critique. Elle m’expliquait en aparté, ses impressions, se qu’elle pensait que nous devions faire, en gros elle me mettait au parfum tout en déplorant le fait que je ne porte pas de cravate en réunion. Je préférais continuer avec le style décontracté made in America que j’avais adopté par là, et ainsi me différencier de mon père afin surtout que ma mère ne se fasse pas d’idée. De tous les mecs que l’on me présenta aucun ne retint mon attention, trop de visages en emmagasiné en trop peu de temps. Une impression générale, je trouvais tous ses allemands en costume fort séduisant, athlétique et svelte à la fois, pas de muscles saillants bien visibles sous les chemises comme les américains. Souvent quand une réunion traînait en longueur, j’avoue que ma libido me jouait des tours et que je fantasmais sur l’un ou l’autre spécimen en présence, mais c’était à chaque fois suffisamment bref pour ne pas attirer les soupçons. Quand un interlocuteur, me parlais en allemand, je me servais de mes notions pour répondre que bien vite je pourrais leur répondre dans leur langue mais qu’en attendant, il faudrait qu’il se contente des trois autres langues que je pratiquais régulièrement. Ma mère à chaque fois souriait, je pense qu’elle savait la partie gagnée pour elle. Avant le repas que je prenais chaque soir en sa compagnie, notre périple prenant des allures de résidence, je partais faire un petit footing en plein air. Derrière la propriété dans un parc publique, entouré d’une zone résidentielle. Je m’aventurais chaque soir un peu plus loin dans ce paisible quartier et c’est dans celui-ci que les évènements prennent une tournure que vous allez préférer chers lecteurs, le décor étant maintenant bien mis en place. Comme ma mère me l’avait prédit, je n’avais pas eu d’embarras dus à ma célébrité en Allemagne, il sembla même que mon personnage public disparaissait au fur et à mesure des jours. Dans ce quartier huppé, les gens se saluent toujours quand ils se croisent, bien qu’ils poursuivent leurs routes sans même s’arrêter. Je m’étais vite fait à cette tradition et envoyais à tout va des « Guten tag » totalement impersonnels durant mes footings. Lors d’une de mes escapades sportives, j’aperçu ce que je pensais être un jardinier, tailler des haies, au sommet d’un escabeau juste vêtu d’un short un peu trop court pour le jardinage. Alors que je passais sous son nez quelques peu essoufflé, le « guten tag » traditionnel était transformé en un « goeiedag ». Soit un bonjour flamand, ma langue natale, surpris, j’ai poursuivi mon cross sans rien répondre, en me retournant un peu trop dans la direction de ce parfait inconnu. Le mètre nonante, la trentaine affirmée, une parfaite condition physique, un mauvais goût pour les vêtements de jardinage, un menton carré, les cheveux ébouriffés châtains foncés, des yeux verts pénétrant. Le dimanche se terminait pour moi, le lendemain, une longue journée s’annonçait pour moi. En compagnie de ma mère, nous allions devoir donner notre assentiment sur la nouvelle collection, la campagne pub, discuter salaires, chaînes de distributions… Un marathon éreintant, un double test, celui que m’imposerait les collaborateurs de mon père, et pour moi un baptême de l’air, qui serait décisif sur les tournures que prendraient les évènements. Le travail nous avait été mâché, j’avais d’emblée été séduit par les différents speechs proposés par nos cadres. J’avais juste du choisir entre différentes campagnes publicitaires, entre différents catalogues, le tout se faisait au feeling, ma mère me laissait faire, je ne saurais dire si elle était d’accord ou non, son visage était celui que je lui connaissais le plus, complètement hermétique. Le soir, juste avant de dîner, j’allais faire mon petit footing habituel dans les bois. Dans une pente, je me fis dépasser, le sourire en coin du jogger qui venait de me dépasser me piqua au vif, s’il voulait du défi, il serait servi, j’accélérai la cadence, le dépassai à mon tour assez facilement et lui rendi son ironie en haussant des épaules au moment ou je le doublais. Instinctivement, il accéléra la cadence, j’entendais derrière moi ses efforts pour me rattraper, dés que je suspectais un rapprochement j’accélérais. Il parvint cependant à mon hauteur, je ne sais combien de temps dura cette course, mais elle fut intensive, j’étais en sueur, il en allait de même pour mon adversaire. Mais ni l’un ni l’autre n’avions envie de perdre, le destin joua en ma faveur, son lacet se défit, et il admit sa défaite, mais assez ironiquement pour que je m’arrête aussi.
-Foutu godasse, mais je capitule quand même, vous êtes au moins plus fort que moi à la course pas comme pour le reste.
-Je crois vous reconnaître ?
-Herbert Klaus, un de vos directeurs marketing.
-Nee, je bent de « goeiedag ».
-Oui je le suis aussi, mais je ne parle pas le flamand.
-Je ne me présente donc pas, puisque vous me connaissez, mais dites-moi en quoi êtes-vous plus fort que moi, vous voulez piquer un sprint pour voir si je ne vous met pas la pâtée une seconde fois.
-Sportivement, vous avez plus d’entraînement dans les jambes que moi, c’est clair. Je parlais plutôt business. Vous n’avez pas fait les bons choix aujourd’hui, je trouve.
-Je vous écoute !
-Si je vous dis, ce que je pense, je serais viré.
-A la première faute ! Je rigole, donnez moi votre avis, ça me changera.
-Je pense que vous n’avez pas compris votre firme, que vous êtes à côté de la plaque tout simplement.
-Parce que vous, bien entendu vous la connaissez mieux que moi.
-Vous en seriez surpris !
-Je suppose que je n’ai pas choisi votre campagne pub ce matin ?
-Elle ne vous a de toute façon même pas été présentée.
-On reprend notre course ?
-Je suis mort, et demain matin, je dois me lever tôt. Par contre demain si ça vous dit de mordre la poussière rendez-vous à la croix au centre du bois à 17h !
-A demain monsieur Klaus. Et n’espérez pas gagner…
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